Les jeunes se sentent-ils légitimes d’exprimer leurs opinions au sujet de leur rapport à la nature ?

Parfois, il peut arriver qu’un individu ne se sente pas légitime de s’exprimer sur un sujet, c’est-à-dire ne pas se sentir suffisamment instruit pour oser exposer son savoir ou son opinion. Les débats sur la dégradation de la biodiversité et le réchauffement climatique sont de bons exemples pour parler du sentiment de manque de légitimité. Dans notre enquête, parler de la nature signifie à la fois être capable de raconter des expériences personnelles, parfois très fortes, en lien avec la nature, et parler du fonctionnement de la nature qui est souvent très complexe,…

De manière générale, il semble que lorsque nous parlons de la nature, nous parlons souvent de deux choses différentes ! Nous les avons nommées « la nature-intime » et la « nature-globale ». Regardons de plus près…

Qu’est-ce que la nature intime ?

Il s’agit de la nature dont nous faisons l’expérience directe dans notre quotidien ou lors d’activité ponctuelle; par exemple, lors d’une sortie en forêt, en montagne ou encore à la plage. Cette nature, nous la voyons, nous la sentons, nous la côtoyons. Elle est perceptible, proche de nous : ce sont les animaux que nous caressons, ce sont les oiseaux qui viennent se poser dans notre cour, c’est l’arbre que nous apprécions et que nous connaissons depuis que nous sommes enfant.,.. C’est l’endroit où nous aimons nous balader, dans la nature, en famille ou avec nos amis.

A quoi pensez-vous lorsque nous parlons de nature-intime ? Quels sont les lieux, les animaux ou végétaux auxquels vous pensez ? Cette nature-intime est-elle importante dans votre vie ?

Par exemple, lorsque Anissa, 19 ans, nous dit que « La nature, c’est les espèces de plantes et d’animaux qui nous entourent, qu’on voit dans notre environnement à nous », elle nous parle de « nature-intime ».

Qu’est-ce que la nature globale ?

C’est là que bien de choses se compliquent ! Contrairement à la nature intime, cette nature « globale » ne peut pas s’appréhender directement par les sens. C’est l’écosystème, la biodiversité, la réalité biologique de la vie, l’ensemble des phénomènes physiques et météorologiques de la planète !

Notre enquête a montré ceci : lorsque nous parlons de nature, parfois nous parlons d’une « nature-intime » et parfois d’une « nature-globale ». Si vous faites l’exercice autour de vous, vous verrez probablement que vos parents et vos amis passent souvent de l’une de ces définitions de la nature à l’autre.

Et vous, quelle est votre définition de la nature ? En fonction du contexte dans lequel vous êtes, passez-vous d’une définition à une autre ?

Lorsque Claire 23 ans nous dit que « La nature, c’est très large, c’est tout l’environnement qui nous entoure, tout l’environnement de notre écosystème », elle parle ici de « nature-globale ».

La nature globale et le défi de la maîtrise intellectuelle

Nos recherches nous ont permis de voir que, pour certains jeunes, la nature globale posait un problème…

Parler de la nature-intime suppose que nous ayons vécu des expériences avec des éléments de la nature, comme un lieu ou des animaux. Par contre, la nature-globale demande des connaissances théoriques…

Or, plusieurs jeunes de l’enquête, pourtant engagés en faveur de la cause environnementale, nous ont raconté ne pas toujours se sentir à l’aise pour débattre et pour parler de ce sujet qui leur tenait à cœur précisément parce qu’ils avaient le sentiment de ne pas comprendre suffisamment le fonctionnement de la nature, à leur avis un sujet parfois trop complexe. En d’autres termes, le rapport que nous entretenons avec la nature-globale peut parfois être un frein à notre désir de nous exprimer sur les enjeux environnementaux…

Les deux définitions de la nature, « intime » et « globale », nous permettent de comprendre que nous ne percevons pas toutes et tous la nature de la même manière et, surtout, que nous n’employons pas toutes et tous le même vocabulaire pour la décrire. Il n’existe pas une bonne et une mauvaise définition. Chacune d’entre elles traduit simplement deux manières différentes de vivre et de comprendre la nature.


Savez-vous ce qu’est l’amnésie environnementale ?

Anne-Caroline Prévaut du Muséum Naturelle de Paris vous explique de quoi il s’agit…


Quelles sont nos expériences de la nature ?

Voyez-vous les lieux naturels comme les forêts, la montagne ou la mer, ou encore les animaux et les plantes comme vous les regardiez lorsque vous étiez enfant ? Pensezvous que notre rapport à la nature se modifie avec le temps ?

Les expériences sont souvent très personnelles. Nous n’avons pas tous le même rapport à la nature et surtout, celui-ci évolue dans le temps.

La crise sanitaire du covid-19 nous l’a bien montré. C’est du moins ce que les jeunes rencontrés pendant notre enquête nous ont raconté. Comme vous le savez, le confinement a radicalement changé notre rapport à nos lieux de vie ! Et cette expérience à la fois collective et individuelle nous donne de précieuses informations sur la manière dont nous formons notre rapport à la nature, et notre intérêt pour celle-ci…

Nous avons demandé à des jeunes ce qu’ils avaient vécu pendant les différents épisodes de confinement. Au total, nous avons identifié quatre expériences différentes de nature suite au confinement.


1 . Les expériences de conscientisation

Pendant les confinements, avez-vous pris conscience de l’importance des éléments naturels qui faisaient partie de votre vie ?

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Si oui, vous avez vécu une expérience de conscientisation. Elle s’est produite chez les personnes qui étaient régulièrement en contact avec la nature avant la crise sanitaire et dont le confinement leur a permis de prendre conscience de son importance. Pour ces personnes, lors du confinement tout a continué comme avant, mais leur regard sur la nature, lui, a changé ! C’est l’exemple de ces personnes qui ont réalisé la « chance » qu’ils avaient de posséder un petit jardin, de l’importance que prenaient leurs animaux de compagnie dans leur vie, ou du privilège qu’elles avaient de pouvoir vivre, même à temps partiel, à la campagne. Chez certains répondants de notre enquête, cette prise de conscience a accentué le plaisir obtenu au contact de ces éléments naturels et a même conduit d’autres à développer leurs connaissances sur l’environnement, sur les pratiques de jardinage, sur l’ornithologie, etc.

2 . Les expériences de manque

Les confinements ont-ils provoqué chez vous le sentiment de souffrir du manque de contact avec la nature ?

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Si oui, vous avez vécu une expérience de manque. Des personnes qui avaient un rapport régulier avec la nature et qui en ont été privé durant le confinement, nous ont parlé de ce sentiment de manque. Cet arrêt soudain de contact avec la nature a conduit plusieurs personnes à réaliser que l’inaccessibilité du lieu de nature s’accompagnait pour elles d’une diminution de leur bien-être. Alors que le sentiment de bien-être ressenti lors du contact avec la nature était autrefois évident au point d’en oublier sa valeur, le fait d’en être privé conduit l’individu à se questionner quant au rôle que joue ce contact de nature dans son existence et son identité. Ne plus accéder aux sentiers ou à la mer a, par exemple, produit ce sentiment de manque chez plusieurs répondants.

3 . Les expériences de libération

Les confinements ont-ils favorisé le sentiment que le contact avec la nature était associé à l’idée de liberté ?

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Si oui, vous avez vécu une expérience de libération. Celle-ci se produit lorsqu’une personne, qui n’avait pas de contact avec la nature avant la crise sanitaire, a commencé à ressentir ce besoin lors du confinement. C’est le décalage entre le fait d’être enfermé dans un espace clos, celui de la maison ou de l’appartement, avec le fait de se retrouver dans la nature qui a produit, selon les jeunes rencontrés, ce sentiment que le contact avec la nature les aidait à se sentir « plus libres ». En découvrant les avantages inestimables de la sortie en milieu naturel en cette période de restrictions, ils ont alors donné un nouveau sens à ce contact avec la nature.

4 . Les expériences de révélation

Pendant les confinements, avez-vous vu, senti, touché ou entendu pour la première fois des éléments naturels alors que vous les côtoyiez auparavant ?

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Si oui, vous avez vécu une expérience de révélation. Il s’agit d’une révélation dans le sens où, en restant sur place, en étant confronté à un quasi immobilisme, nous avions été amenés à regarder autrement autour de nous. Alors qu’auparavant, nous étions nombreux à ne pas prêter attention aux éléments du monde naturel qui nous entourent; les confinements ont conduit plusieurs jeunes de l’enquête à développer un regard nouveau sur les éléments naturels visibles dans leur quartier, même depuis leur fenêtre ! Certains ont remarqué l’existence de ces arbres qui étaient pourtant juste là devant leurs yeux depuis longtemps alors que d’autres, par exemple, ont recommencé à prêter attention aux couchés du soleil…


Il est possible que vous ayez vécu, comme les jeunes de notre enquête, aucune de ces expériences, ou bien une seule, deux, trois, parfois même les quatre !

Si nous avons pu repérer les expériences de conscientisation, de manque, de libération et de révélation pendant le confinement, nous pouvons émettre l’hypothèse que ce sont ces quatre types d’expériences qui fondent notre rapport à la nature. Avez-vous déjà vécu ces types d’expériences dans d’autres contextes que celui de la crise sanitaire ?

Selon vous, peut-on être engagé en faveur de l’environnement et n’éprouver aucun sentiment envers la nature ?
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